"Je
me souviens de mon dernier noël avec mon arrière-grand-mère
maternelle, « mémé la canne » comme on l’avait surnommé.
C’était il y a deux ans. Elle avait parlé peu pendant le dinée
de réveillon, elle qui avait été gouvernante en chef de riches
propriétaires niçois et qui avait vu passer 103 noël, elle qui
avait dû organiser des noëls plus gargantuesques les uns que les
autres… Elle avait parlé peu.
Elle
avait parlé peu la pipelette que je connaissais quand j’étais
gosse. Celle qui me sermonnait pour me dire que j’étais trop gâté,
elle qui avait connue deux guerre, qui avait porté un enfant alors
qu’elle n’était pas encore mariée, elle qui me disait qu’à
son époque, on offrait aux mômes une orange à noël et qu’ils
étaient contents. Elle qui avait dû voir passer des fêtes sans
sapin et sans dinde, dans le froid d’une église, remerciant le
seigneur d’être là pour accueillir la naissance du sauveur, elle
avait parlé peu…
A
ce dernier noël, elle avait bu du champagne et avait dit que la
table manquait de fleurs. De sa voix chevrotante de vieille rombière,
les yeux nimbés de brouillards, aveugles, brillants de petites
bulles, elle avait dit qu’en réalité, elle avait 124 ans, elle
nous avait fait rire la grand-mère… 124 ans… c’était
peut-être vrai… après tout personne ne sait vraiment quand elle
était née."
NLF extrait des Saturnales, chronique 2013 "Rendre ces arts de qui appartient à ces arts", L'Artocrate Web Fanzine.
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